Rivière et résilience

Cette semaine, j’ai découvert dans un livre de développement personnel un exercice qui consiste à imaginer une rivière qui coule où défilent les moments importants de nos vies, les prises de conscience, les rencontres, les voyages.

Les paysages vietnamiens se sont vite reflétés dans l’eau de la rivière de ma vie.

Puis j’ai repensé aux rencontres faites là-bas. Notament une rencontre dont j’ai souvent parlé à mes proches. J’ai toujours eu envie d’écrire sur le parcours de cette femme, mais j’avais peur d’oublier des éléments, ou de mal le faire.

Mais aujourd’hui, je me suis dit que ce n’était pas ce qui comptait le plus. À travers ces quelques lignes, je souhaite vraiment vous transmettre un peu de la force, de la résilience et du courage de cette femme, qui m’ont tant inspiré il y a quelques années.

Sa force me guide encore aujourd’hui, à l’heure où je pense et construis un projet professionnel qui me tient tant à cœur. Elle était l’une des premières personnes que je rencontrais, se montrant aussi honnête et vulnérable sur son parcours de vie.

Lors d’un séjour à Ninh Binh, au nord d'Hanoï où se trouve la baie d’Ha long terrestre, j’ai séjourné dans un hôtel au nom français. Situé un peu en dehors du village, dans une magnifique nature.

Loan nous a accueillis dans son très bel ao dai rouge, (tenue typique des femmes vietnamiennes), dans un français parfait et avec un très grand sourire. ( D’ailleurs merci à mon amie Claire et à ses parents pour ces vacances inoubliables).

Nous discutons un peu et elle nous raconte qu’il y a longtemps elle avait été rameuse sur la baie de Ninh Binh (les femmes y rament avec leurs pieds, comme des acrobates, et transportent sur de grandes barques des familles entières de touristes…). Je me suis demandée comment elle avait pu transformer son destin, apprendre le français, et se trouver aujourd’hui aussi rayonnante dans une robe de soie rouge.

J’étais si curieuse…

Je suis revenue quelques mois plus tard en lui demandant si je pouvais lui poser quelques questions sur sa vie, son parcours. Loan a accepté avec joie et s’est livrée à moi comme une amie, le cœur ouvert.

Voilà en quelques lignes une vie incroyable que j’ai tenté de résumer.

Il y a de nombreuses années, Loan travaillait aux champs ou en tant que rameuse sur la baie. Elle vivait avec la famille de son mari et menait une existence de dur labeur étouffée par le poids des traditions. Elle ne disposait pas de son propre argent ni de sa propre voix au sein de son foyer. Elle se demandait souvent « Mais toute ma vie va ressembler à cela ? Est-ce qu’il n’y a pas autre chose ? ».

Un jour, Loan est contrainte d’aller ramer avec son bébé. Ce jour-là, un couple de Français monte sur sa barque pour découvrir la baie. Loan rame avec les pieds, son bébé qui pleure contre elle. Pour la soulager, Camille (la touriste française) lui propose de s’occuper de son bébé et de le porter pendant l’excursion.

À la fin du parcours, touchée par cette jeune mère, Camille propose à Loan de l’aider et lui demande son adresse pour lui écrire.

Quelques semaines plus tard, une lettre arrive au nom de Loan. Toute sa famille se réunit pour l’occasion, suspicieuse. C’est une lettre de Camille, cette touriste française rencontrée sur la barque, qui lui propose son aide pour aller étudier le français dans un centre à Hanoï… Une amitié était née et la vie de Loan allait changer.

Petit à petit, Loan progresse dans la langue, ce qui lui permet d’être embauchée dans des établissements touristiques. Pendant des années, elle économise et achète un premier petit bout de terrain et y implante un restaurant qui attirera des touristes français.

Sa gentillesse, sa force et sa volonté vont la conduire après des années à créer un hôtel, puis deux, tous recommandés dans plusieurs guides. Elle est connue et appréciée de tous les voyageurs français s’arrêtant à Ninh Binh.

Quand je lui ai demandé comment elle avait gardé espoir dans cette longue quête, elle m’a répondu par cette très belle phrase qui me guide encore « Quand on met tout son cœur dans quelque chose, on y arrive ».

Son lien à la France et à ce couple qui a changé sa vie est encore très fort. Sa fille s’appelle Camille, et doit étudier en France à l’heure qu’il est.

Lorsque je discutais avec Loan, le covid frappait la France de plein fouet, et je lui avouais être triste de ne pas passer les fêtes avec mes proches. Elle m’a dit que j’étais la bienvenue chez elle, comme un membre de la famille. Je m’en souviendrai toujours.

Je suis repartie avec le cœur léger, inspirée et pleine de reconnaissance envers cette femme courageuse et humble qui avait partagé son histoire avec moi.

Depuis ce jour, je me suis jurée de poursuivre mes rêves, pleinement, et avec le cœur, comme Loan.

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Rencontre avec soi-même à Phu Quoc